Texte humoristique sur l'amour

Publié le par doudou

A comme Amour

 

L’opinion courante au sujet de l’Amour est totalement erronée (comme l’opinion a de toute façon tendance à l’être, surtout lorsqu’elle est courante), car on dit généralement que l’amour ne se définit pas mais qu’il se ressent. Or un simple effort d’analyse historico-philosophique, même tout à fait succinct, suffit à faire apparaître de manière contraire : l’amour ne se ressent pas, il se définit uniquement.

        Faisons d’abord la nique à quelques idées reçues. Il n’existe que deux grands types d’amour : l’amour physique et l’amour sexuel. Pourtant un seul nom suffisait à l’origine (qui dit origine dit nécessairement Grèce antique) à désigner les deux : Eros. Mais Eros est devenu exclusivement sexuel le jour où l’on a découvert que, sous le nom d’ « amour », la courtoisie du désir («permettez-moi, Madame, de vous baiser ») cachait en réalité la sauvagerie des pulsions («oh, Madame, t’es trop bonne »). Ce qu’un docteur viennois un peu fripon, qui avait la drôle de manie d’allonger ses patientes pour mieux déshabiller leur âme, résuma approximativement en ces mots à la fin du XIX siècle : « Le désir, c’est l’alibi bidon qu’on s’invente pour cacher nos pulsions », et l’alibi bidon devint par un étrange lapsus la libido. Ce ne sont que  les fouilles menées à la même époque en Europe centrale qui on fait apparaître que l’amour –au contraire de la libido, qui est originaire d’Alibi – est enfant de Bohême (comme le docteur Freud qui y naquit) et qu’il n’a jamais connu de lois (au contraire de Freud qui ne pense qu’à ça). Comme quoi on trouve de tout en Bohême. Bref, même si l’amour est soi-disant universel, rappelons-nous quand même qu’il est d’origine tchèque et de tendance anarchiste.

Ce qu’une étymologie contestée confirme pourtant aisément. A- : contraction phonétique du préfixe « ad » indiquant l’appartenance, la provenance ou l’origine ; et –Mour : diminutif de Moravie dont chacun sait, j’espère, qu’elle est passée en 1411 sous le gouvernement direct des rois de Bohême : depuis cette date, qui est originaire de Moravie est aussi enfant de Bohême. CQFD. Nous pouvons par conséquent écarter cette anecdote peu sérieuse dont vous avez certainement eu vent et selon laquelle le mot d’ »amour » remonterait au XVI siècle, à une rencontre prétendue entre un ours des Pyrénées et une duchesse de la cour du roi d’Angleterre. Sous l’effet de l’alcool, la duchesse aurait confondu le mammifère velu avec son fougueux amant français. Encore hésitant dans la langue de Shakespeare, l’ours, surpris de ce quiproquo et afin d’échapper à la terrible et libidineuse duchesse qui avait l’air prête à le bouffer, au lieu d’affirmer distinctement « I am a bear », comme aurait pu le faire sereinement n’importe quel ours anglophone, n’aurait pu dire que dans un mauvais franglais : « am our ». D’où le sobriquet d’ « amour » dans lequel se rencontrent l’innocence de l’enfant et l’indélicatesse de l’ours. Ce à quoi la duchesse aurait répondu dans un français encore imparfait : « Ah, le voyou ! », qui devint : « I love you », ce qui ne l’empêcha pas de convoler en plus ou moins justes noces avec l’animal. On raconte qu’informée de cette affaire, la vieille reine d’Angleterre, voulant éviter tout nouvel incident, ne cessa alors de répéter : « Lorsqu’il s’agit d’amour, laissez désormais Mamie faire ! » Certes l’histoire est charmante, mais un détail en trahit néanmoins le peu de véracité : le massif des Pyrénées n’est pas en Bohême !

        Nous n’avons jusqu’à présent parlé que de la forme dégradée de l’amour, sa forme sexuelle, venons-en maintenant à sa stricte réalité physique.

        D’un point de vue physique, l’amour est la rencontre, en un point P et sur une trajectoire rectiligne, de deux corps étrangers x et y poussés à grande vitesse dans deux directions symétriques et inverses. La quantité de mouvement étant constante et la trajectoire rectiligne, aucun des deux corps ne peut contourner l’autre sans l’intervention d’une force extérieure, à défaut de laquelle il y a nécessairement pénétration d’un corps par l’autre, si du moins on ne s’est pas assuré de leur étanchéité avant de procéder à l’expérience. Mais pour que x puisse pénétrer y, il faut d’abord qu’il l’invite au restaurant. L’intersection des champs magnétiques produit alors une énergie électrique qui mène soit au court-circuit, soit à la production d’un nouveau courant électrique qu’on nomme en général « coup de foudre » et qu’on reconnaît alors aux étincelles produites par les deux corps, qui se retrouvent vite sur la même longueur d’onde et parfois même dans de beaux draps. Sous l’effet de l’induction magnétique de ce nouveau courant, la pointe extérieure du corps x se dresse pour favoriser la pénétration du corps y : ce phénomène scientifiquement inexpliqué et inexplicable est couramment désigné par le substantif du verbe « ériger ». Le problème physique de l’amour, c’est la direction induite par la rencontre puis la pénétration des deux corps. En effet, soit chacun continue ensuite dans sa direction initiale, les deux corps ne cessent dans ce cas de s’opposer et de se heurter à la manière de deux aimants se rencontrant par le même pôle, et il y a sur la durée, malgré les tentatives régulières de pénétration, neutralisation réciproque des forces, on retombe dans l’électrostatique, le couple xy s’ankylose, et le magnétisme s’éteint ; soit au contraire on reste dans le champ de la dynamique, les deux corps empruntent la tangente, et c’est alors un nouveau commencement pour x et y qui se marieront et auront beaucoup de petits a, b, c, etc.

        Même si l’amour n’existe pas, on peut donc tout à fait le fabriquer par soi-même avec ses petits moyens pour peu qu’on ait quelque connaissance physique élémentaire de la mécanique des corps. Pas besoin de beaucoup d’ingrédients ni d’expérience pour faire l’amour : deux corps étrangers, une action magnétique, un coup de foudre, une chambre noire, une étincelle, une érection, une pénétration, une décharge. Voilà pour un circuit complet.

        Mais l’amour physique est sans issue. Après l’amour physique, x est triste et allume une cigarette tandis qu’y se sent frustré. Alors que l’amour sexuel, c’est au contraire ce qui permet au corps x de sortir de sa tristesse par la pénétration du corps y. C’est par l’amour sexuel qu’on peut échapper aux impasses de l’amour physique, et, inversement, c’est l’amour physique qui appelle les joies de l’amour sexuel. Ils sont donc tout à fait complémentaires et peuvent se faire successivement, pour autant qu’on ait réuni au préalable le matériel requis.

Publié dans Texte sur l'amour

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T
Un petit coucou en passant.J'avoue que je passe sur les blogs les amplis fermés et j'ai trouvé un magnifique blog avec une musique d'accueil superbeLongue vie à ton blog Gros bisous
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F
Trop drôle! lol MDR
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